Coco le cyclo...

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Tor des géants : 6ème étape Valtournenche - Ollomont

Tor des géants : 6ème étape Valtournenche - Ollomont

 

La fatigue aidant, je me traîne un peu. Je tourne un peu en rond, attaquant un peu tout et ne faisant rien de spécial. Je finis par manger la salade préparée par Françoise et je me dis que je complèterai avec le ravitaillement de l’organisation. Finalement je resterai sur ma salade, n’ayant plus vraiment faim. J’enchaîne, doucement, avec la douche qui se trouve dans un grand bâtiment juste à côté du chapiteau. Cela me prend un certain temps aussi. Après quoi, le corps un peu délassé, je vais me glisser sur un lit de camp dans une autre salle, un peu à l’abri du brouhaha. Je donne l’autorisation à mon coach d’aller se coucher aussi ! Si je veux la retrouver plus loin, faut que je la soigne… Et c’est parti cette fois-ci pour trois heures de repos ! A nouveau je tourne en rond pendant quelques minutes, le temps à la fatigue dans les jambes de me laisser tranquille. Au réveil, j’ai l’impression que je viens juste de me coucher. Bizarre non ? Je reste allongé… ce qu’il ne faut pas faire… et retombe dans les bras de Morphée aussi sec ! Je me réveille en sursaut un peu plus tard, le subconscient ayant travaillé pour moi : Presque 4h que je dors ! Cette fois je me lève y a pas le choix. Si en réalité, mais il faut savoir ce que l’on veut ! Les jambes sont raides, les pieds sensibles, je me déplace lentement et un peu raide. Dans la salle connexe, je passe devant une grande estrade (scène de théâtre) où sont installés différents soigneurs. Je vois de la place de libre, je n’hésite pas une seconde après avoir demandé si c’était possible. Je commence par un podologue qui m’entaille 2 ongles de pied qui sont noirs, 1 à chaque pied, pas de jaloux. Il fait ça délicatement, car je ne ressens presque rien. 2 jolis pansements agrémentent mes pieds. Un peu peur que cela me provoques des ampoules sur les doigts connexes par le frottement, mais il n’en sera rien. Bravo ! Une fois ce stand fini, je passe au suivant : celui du massage. Un peu douloureux, mais qu’est-ce que ça fait du bien quand même. Tellement bien que je m’endors ! Un peu honte quand j’entends me dire : « c’est fini ! », ce qui me réveille. Je remercie les soigneurs et reprend la direction du chapiteau avec mon sac. Je le dépose auprès des bénévoles. Il est presque 1h du matin ! J’ai un peu abusé je trouve, mais qu’importe, je me sens suffisamment ragaillardi pour repartir. Enfin c’est ce que je pense à l’instant. La nuit et la fraîcheur calme vite mes espérances. Mes jambes tournent relativement bien, mais une espèce de torpeur me gagne au fil des km. Comme j’avais pu lire dans différents comptes-rendus sur les éditions précédentes, je commence à mon tour à être victime d’hallucinations. La fatigue prend le dessus. Ai-je trop dormi si bien que je suis rentré dans un cycle de récupération profond qui me travaille ? Où pas assez plus simplement ? Toujours est-il qu’avec le superbe clair de lune que nous avons, la lumière lunaire joue avec le relief et me joue des tours ! Ici une maison, là une cabane, un rocher en forme de cage plus loin, un chien énorme à gauche, des huttes par là… Pas de quoi s’ennuyer ! Les paupières se font aussi de plus en plus lourdes, ce qui m’oblige à des arrêts de 2, 3 minutes où je m’assois et je pratique le micro siestes (encore conscient le coco quand même). Pendant ce temps, 1, 2 et d’autres coureurs me repassent devant, tout en me demandant si ça va, me voyant arrêter. Toutes mes hallucinations redeviennent de simples rochers plus ou moins gros quand je m’approche d’eux. A chaque fois, je me dis « Oh réveille-toi, t’hallucines ! ». Mais cela n’y fait pas grand-chose. C’est un zombie qui grimpe tant bien que mal jusqu’à la fenêtre Erza. Au fil des km, je commence à me ragaillardir. Finis toutes ces hallucinations, les paupières redeviennent normales, j’arrive à nouveau à me reconcentrer sur la course. Je pense aussi que les montées sont beaucoup plus propices à ce phénomène d’hallucinations. En descente le terrain demande toute notre attention et du coup tous nos sens sont en éveil. Petit ravitaillement à Vareton, puis c’est les montagnes russes qui s’installent pour un bon moment aux environs des 2300m d’altitude. A chaque montée dans la nuit, les hallucinations ont tendance à revenir. Je suis en compagnie d’un autre coureur tout vêtu de bleu pour le froid et les quelques gouttes de pluie que nous avons eu. De temps en temps nous discutons quand nos rythmes s’accordent, mais chacun va à sa propre allure. Le jour commence enfin à pointer son nez, je sais que ça va aller mieux de suite. Et puis le paysage est superbe. Je me régale à nouveau. 2 Chamois me coupent la route qui remontent vers les hauteurs. Puissance, agilité, équilibre un vrai spectacle ! Rassurez-vous, je n’essaye pas de les imiter… C’est toujours dur, technique et cabossé dans l’ensemble, le paysage en contrepartie au soleil levant me rebooste. J’aperçois au loin en dessus de moi un bâtiment à la forme bizarre, quasi neuf dirait-on (certainement retapé depuis peu). Petit pont pour traverser la rivière heureusement ; sinon c’était le bain assuré. Et une petite montée bien raide pour rejoindre ce fameux bâtiment. Point de contrôle ici, ce que je croyais, mais peu après en descente voici le point de ravitaillement du refuge Cuney. Vue magnifique, soleil et ciel bleu, c’est presque le paradis. D’autant plus qu’il y a juste à côté la chapelle la plus haute d’Europe paraît-il. Au point que je discute avec tous les bénévoles avec enthousiasme, tout en me ravitaillant avec appétit et faisant honneur à la « fontine ». J’ai presque du mal à décoller.

 

 

Un bénévole qui a fini son tour de garde s’apprête à rentrer. On discute ensemble tout en admirant le paysage et me demande si ça me dérange qu’il m’accompagne. Bien sur que non, bien au contraire ! Je vais me régaler dans tous les sens en sa compagnie. Nous discutons de tout, de l’histoire de la vallée d’Aoste, de son fonctionnement politique, des spécialités du pays (j’enregistrerai en audio les recettes !), de l’ambiance Valdotaine (elle n’est pas usurpée, tous les coureurs s’en seront rendus compte), et ça dure, ça dure. Nous rencontrons un coureur qui arrive en sens inverse, et on discute à trois à présent ! Puis c’est reparti, il rallonge plus que prévu son itinéraire pour m’accompagner un maximum. Après coup j’ai honte, je ne lui ai même pas demandé son prénom. Ce passage en crête en sa compagnie avant d’attaquer une grande descente sur Close restera longtemps dans ma mémoire et comme un de mes meilleurs moments de cette aventure. Je ne savais pas encore ce qui m’attendait et qui allait devenir aussi un grand moment de plaisir qui aura marqué de façon indélébile la fin de ce périple. Passage éclair pour une fois au ravitaillement du Bivacco Clairmont, faut dire qu’avec ce que j’avais mangé avant, je pouvais tenir un moment. Puis c’est l’arrivée au Col Vessonaz et la séparation. Pas sur de pouvoir le voir car il travaille en milieu hospitalier et il ne sait pas s’il pourra être de la fête dimanche. Je ne le reverrai pas en effet, il faut dire que cela n’était pas évident dimanche dans la foule de retrouver quelqu’un. Dommage. A présent, ça va être moins gai, 1400m de D- à se taper. Je me fais doubler de temps en temps, pouvant difficilement courir en descente, mes genoux me criant d’y aller mollo. Je les entends et suit leur avis. Un autre coureur me précède en proie lui aussi à des difficultés en descente. Nous ne sommes guère éloignés, mais je me rapproche de lui très lentement. Il s’arrête un petit moment, du coup me voilà à sa hauteur peu après. Une envie pressante m’incite à faire halte aussi. Nous repartons du coup ensemble. Le courant passe bien entre nous de suite. C’est un militaire français expatrié à la Réunion qui vient juste de rentrer en France sur Carcassonne. Inutile de vous dire sur quoi la discussion a vite viré ! Diagonale des fous, les cirques Réunionnais, la discussion devenait intarissable, surtout qu’il avait fait 3 fois la diagonale le veinard. Amateur de vélo aussi, les sujets de conversation ne manquaient pas. Je n’espérais plus qu’une chose, pouvoir terminer ensemble ce TOR des géants. Le plaisir étant partagé, nous faisions à présent équipe, comme cela m’est rarement arrivé. La course s’est bien, mais pouvoir partagé ainsi avec un inconnu est un plaisir beaucoup plus profond. En pleine descente qui croisons-nous en train de monter ? Françoise ! Présentations et nous repartons. Nous courons un peu quand le terrain devient roulant, marchant le reste, et papotons à chaque fois que le terrain nous en laisse la possibilité. Françoise est partie devant pour me préparer ma salade ! Nous arrivons à Close à mi-hauteur en montagne à 1480m d’altitude. Joli petit village et belle salle des fêtes où nous nous restaurons. Françoise fait plus ample connaissance ainsi de Jean-Louis. De la pollenta (bien cachée) est disponible. Jean-Louis n’hésite pas. Quand il revient avec son assiette, il me donne envie. J’y vais à mon tour, ayant terminé ma salade. Certains se reposent dans la salle, quelques lits de camp sont disponibles. Ce n’est pas 10’ comme prévu que j’y passe, mais une bonne ½ heure dans cet oasis. Plus que 60km se dit-on avec Jean-Louis, allez on y va ! Le moral est toujours là, sauf accident, nous irons au bout vu notre état pas trop délabré. Les genoux pour tous les 2 sont un obstacle, mais pas bloquant, comme j’ai pu avoir par le passé. Peut-être rien de plus normal aussi vu ce que nous avons avalé pour l’instant: 270 km et 20.000m D+. Un nouveau col en vue, et toujours le beau temps, le pied. Oui au fait parlons-en un peu de ceux-ci. A ma grande surprise, ils ne sont pas trop sensibles. J’arrive à redécoller facilement d’une chaise, pas de douleurs particulières, si ce n’est quand même que la plante est un peu écrasée me semble t-il. A l’arrivée, une fois les chaussettes quittées, j’aurais l’agréable surprise de les voir en bon état, sans ampoules, que de la peau morte qui se décolle un peu. Ils me donnent l’impression toutefois d’avoir été un peu massés avec un rouleau à pâtisserie comme on faisait 35 ans en arrière pour assouplir nos selles en cuir de vélo. Je mesure ma chance quand je repense à Corine qui a finalement abandonné à Gressonay, ses pieds n’étant qu’une douleur continue une fois au sol, et de plus en plus insupportable. Nous avons avec Jean-Louis quasiment le même rythme en côte, ce qui est agréable, il va toutefois un brin plus vite que moi. Mais la différence est minime. La pente est un peu raide, des portions de replat permettent de relancer un peu l’allure. Après une longue séance de décor minéral, c’est à nouveau la forêt qui nous accompagne. Ravitaillement à Bruson Arp, Jean-Louis branche un bénévole qui part lui aussi sur l’histoire de son pays. Et nous l’écoutons avec grand plaisir. Nous finissons par redécoller quand même pour la 2ème partie du col, où le minéral refait surface, et la pente s’accentue. L’allure en côte est relativement bonne, les jambes répondent bien toujours. Presque comme si de rien n’était. Au col Bruson joli point de vue sur les fonds de vallée, mais ce n’est plus le décor environnant que nous avons eu ce matin, malgré que nous soyons à + de 2500m d’altitude. Petite cabine installée juste sous le col pour abriter les bénévoles pointeurs, certainement installée par hélicoptère vu le lieu et l’accessibilité. Plus de 1100m de D- à perdre en 6 km pour arriver à la dernière base de vie à Ollomont. Y’a qu’à ! Merci les genoux de bien vouloir tenir encore, nous avons besoin de vous. Il nous faudra 1h3/4 pour y arriver. En montée on va aussi vite quasiment ! Ca fait râler quelque part, mais on y arrive c’est l’essentiel. Le soleil s’est caché derrière les montagnes depuis un petit moment quand on arrive enfin à cette base de vie vers 18h50 où le tapis rouge comme à chaque base de vie est déroulée pour nous accueillir, et où nous retrouvons Françoise. Jean-Louis décide de se faire soigner un peu lors de cet arrêt et de dormir un peu. Moi aussi j’en ai besoin au vu des hallucinations de la nuit dernière. Chacun vaque à ses occupations. Je commence par la douche comme si c’était une nécessité. En réalité je pense que j’aurais pu m’en passer sans problème. Mais cela fait du bien quand même. Le chrono étant définitivement enterré depuis belle lurette, le confort et le plaisir avant tout étant encore largement dans les délais. Puis je vais me ravitailler. Le choix ne manque pas, et même si je continue à manger régulièrement des fruits frais, je ne crache pas sur des plats chauds tels que pâtes et pollenta, et leur fameux fromage la « fontine ». A u diable les principes ! Au moment d’aller me coucher, je cherche Jean-Louis sans le trouver. Du coup je vais m’installer dans le chapiteau dortoir où des lits de camp sont installés, conjointement à la salle de soins où s’escriment des bénévoles ostéopathes, podologues et autres à remettre en état tant bien que mal des mécaniques usées. Je reste un moment éveillé trouvant difficilement le sommeil quand Jean-Louis me fait signe qu’il est installé ranges derrière moi. Nous nous accordons sur le temps de sommeil, bien décidé tous les 2 à finir ensemble. Et c’est parti pour un somme d’1h1/2. A mon réveil, Jean-Louis dort encore. Du coup j’attends continuant à me reposer d’un œil. Et j’y arrive. Ce dernier se lève peu après et me fait signe qu’il va aller se faire soigner, n’ayant pas pu avant. Du coup je repique un petit somme. Quand il revient, de jolis bandes bleues autocollantes ornent ses jambes ayant pour but d’éviter je crois un maximum de vibrations dans les muscles qui rendent douloureuses les foulées. Il me conseille d’en faire autant, mais quand je m’aperçois qu’il faut que je me rase les jambes pour cela pour éviter d’arracher ensuit tous les poils lors du décollage, j’abandonne aussitôt. Non pas que j’ai peur de me « dépoiler », mais combien de temps encore va-t-il me falloir pour terminer l’opération. Je préfère laisser tomber et continuer ainsi. Ayant pu arriver jusqu’ici, j’arriverai bien à finir dans mon état les 50 derniers kms. Ca sent bon ! Plus que 50 au compteur, le graal est en vue, même si cela risque d’être encore dur dur. C’est finalement 4h1/2 plus tard que nous redécollons d’Ollomont. La fatigue et l’usure aidant, cela devient de plus en plus difficile de faire des arrêts courts. La nuit nous accueille pour la dernière fois. Va-t-elle être aussi difficile que la précédente ?

 

 

 

A suivre



16/11/2014
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