Coco le cyclo...

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Tor des géants : 5ème étape Gressonney - Valtournenche

Tor des géants : 5ème étape Gressonney - Valtournenche

 

Dur le réveil. Je me lève immédiatement de peur de me rendormir illico. Je retrouve Françoise en salle, et me ravitaille avec la bonne salade qu’elle m’a préparée. Nous apercevons un coureur revenant de la douche en peignoir, grand confort ! Je me suis contenté pour ma part d’une petite serviette de sport de 20 par 40 cm ! Ridicule à côté. Je me ravitaille à nouveau, n’ayant que très peu mangé avant de me coucher. Un nouveau massage des jambes par Françoise est le bienvenu. Corine est arrivée pendant que je dormais, elle va se reposer un peu avant de décider si elle repart ou non, ses pieds étant de plus en plus douloureux. Je me dis que j’ai bien de la chance, car pour le moment mes difficultés sont gérables sans problèmes majeurs contrairement à Corine. Il faut y retourner, n’ayant plus rien d’autre à faire... Je rends mon sac, un bisou à Françoise qui va pouvoir aller dormir à son tour, et en route pour la 5ème étape, plus que 130 km au compteur ! Je vais donc à présent rentrer dans l’inconnu, vais-je tenir ? Musculairement ça tire mais pas de souci particulier. Les genoux m’inquiètent un peu plus, mais comme ils ont tenu jusque là, j’espère que ça n’empirera pas, du moins pas trop vite.

Je repars vers 2h15 du matin tranquillement en marchant pour sortir de la ville. Un besoin pressant m’oblige à m’arrêter rapidement, j’en profite pour m’équiper un peu différemment car le temps devient humide. Une première côte surgit assez rapidement, ce qui me remet dans le bain. Les cuisses sont mortes mais elles répondent relativement bien dans les côtes heureusement. La fraîcheur est de mise cette nuit. 3ème nuit d’affilée à arpenter les montagnes italiennes. La notion de temps commence à s’estomper, on enfile les jours et nuits comme on enfilerait des perles sur un collier, enfin presque ! Une seule obsession : rejoindre Courmayeur. Même si parfois je me demande ce que je fous là quand dans la nuit j’ai du mal à garder les yeux ouverts, je n’ai qu’une chose en tête : avancer jusqu’au bout ! Point de place pour une idée de tout stopper tant que le corps avance sans douleurs insupportables. L’ascension du col Pinter (1400m D+) sera à refaire de jour, car avec la fatigue et la nuit, les souvenirs sont absents faute de repère. Le jour pointe son nez au sommet, je retrouve un peu de vivacité du coup. La descente est toujours aussi pénible, mes genoux n’empirent pas vraiment, je peux au moins marcher correctement, sauf sur les marches un peu hautes où je dois me contorsionner un peu pour éviter les douleurs aigües. Je me rends compte depuis pas mal de temps qu’une paire de bâtons n’auraient pas été du superflu pour les descentes. Nous ne sommes que quelques rares spécimens à n’en avoir pas pris. Et pour cause. Dans l’ensemble les chemins sont quand même techniques et physiques. A part la Réunion, je ne pense pas à en avoir trouvé d’aussi durs dans l’ensemble. Et 330 km ainsi, c’est long !!! Le métronome est enclenché depuis longtemps, je me contente de courir de temps en temps et souvent moins d’1 mn quand le terrain n’est pas trop accidenté. Cette descente assez raide dans sa première partie, devient roulante dans la seconde sur chemin large, et me permets de retrouver peu à peu du rythme pour trottiner tranquillement sur des distances plus longues. C’est ainsi que j’arrive au refuge de Crest (« Tiens, ça me dit quelque chose…) où je fais honneur au ravitaillement une fois de plus. En compagnie d’un autre coureur, nous prenons notre temps pour déjeuner. Mon intention de ne m’arrêter que 10’ maxi aux ravitaillements entre bases de vie est oubliée depuis belle lurette. Ayant déjà 13h de retard sur mon planning, celui-ci n’est plus qu’une utopie à présent. En côte je tiens mon rythme, de jour sans problème, de nuit c’est moins évident car j’ai tendance à somnoler assez vite en marchant. En descente par contre c’est la cata. Le rythme prévu est très supérieur à ce que je réalise, ne pouvant quasiment pas courir. J’ai choisi depuis longtemps de me ménager pour avoir le maximum de chances de pouvoir aller au bout, ce qui n’est pas encore acquis car il reste 115 km, soit un bon tiers.

Le beau temps est de retour, la chaleur avec, après une nuit un peu fraîche. Mais rien de plus normal quand on évolue à mi-septembre entre 2 et 3000m d’altitude. Prochain contrôle à Saint-Jacques, le chemin est à présent très roulant dans son ensemble, et je retrouve un peu d’énergie dans les cuisses pour trottiner. Les genoux me stoppent immédiatement sur terrain un peu technique, ne supportant plus les moindres vrilles pour sauter d’un obstacle à un autre, où les différences de niveau en pente descendante. L’allure est bonne, le soleil retrouvé, mon ardeur à la tâche remonte en flèche. Le paysage est agréable, apaisant, aucun bruit pour nous perturber. J’avance paisiblement malgré la fatigue qui pèse. Je me retrouve un peu dans un état second où tout va bien (enfin presque !). J’aperçois le village du prochain contrôle ravitaillement. Des oriflammes ornent l’entrée du village. Arrivé sur place, rien ! Je suis le balisage, toujours rien. Je me renseigne auprès d’un autochtone, il me dit qu’il est en bas du village. Me voilà rassuré. Je continue donc, traverse le village en descente à travers des ruelles de campagne très étroites et me retrouve sur un sentier en bonne pente sans avoir rien vu ! Un autre coureur m’accompagne, que je distance peu à peu. Incroyable, je descends presque comme si de rien n’était. Emballé par mon élan, je loupe un balisage et retrouve un peu plus loin un autre coureur qui remonte la pente s’étant lui aussi égaré. Nous remontons ensemble et retrouvons rapidement le bon balisage. Pendant ce temps le précédent coureur, a filé dans la bonne direction. Mon compagnon d’infortune ne l’est pas pour longtemps, il me sème rapidement dans cette descente toujours bien pentue et un peu technique. Je finis par rattraper l’autre concurrent peu avant le bas où j’aperçois le village qui sera le bon cette fois. Nous finissons ensemble tout en discutant. A l’entrée du village, ma « coach » est là qui m’attend sagement. Elle a passé une bonne nuit de son côté, et a eu un peu de mal à trouver le point de contrôle ravitaillement, comme ce fut le cas pour beaucoup de ces points. Aucun signalement sur les routes, à chacun de se débrouiller. Ce qui rend la chose plus facile quand elle peut apercevoir les coureurs de loin et les suivre ainsi du regard pour trouver la bonne direction où aller. Ma salade préférée m’attend, je la déguste sur un banc dehors, supportant de moins en moins les pièces fermées, surtout s’il y fait chaud ou l’air un peu vicié. Je récupère aussi de ma descente où je me suis un peu trop lâché. Les cuisses sont dures à nouveau. Qu’importe, ce fut un bon moment qui m’a montré que j’avais encore des ressources. A ne pas les user prématurément !

 

 

Françoise ayant le temps, ne pouvant me retrouver qu’à la prochaine base de vie de Valtournenche, elle m’accompagne sur la prochaine ascension du col de Nanaz. Petit moment très agréable où l’on a le temps de s’échanger nos expériences mutuelles. A peine attaquée l’ascension par un grand chemin, au moment de prendre une mono-sente, je décide de faire une sieste d’une demi-heure dans l’herbe, le temps s’y prêtant, et surtout un bon coup de pompe qui me tombe dessus. La ½ heure me semble très courte quand elle me réveille. Nous repartons dans l’ascension avec le magnifique Mont Rose dans notre dos, tout enneigé encore. Malgré nos différentes ascensions jusqu’à plus de 3000m, nous n’aurons jamais à traverser de névés sur toute la course. Un peu avant le col, nouveau contrôle ravitaillement au refuge du Grand Tourmalin. L’arrivée des coureurs est saluée par un carillon de 1er ordre, qui résonne dans toute la montagne. Impossible de passer inaperçu. Du coup nous sommes attendus de pied ferme dans la grande salle de pointage et ravitaillement. 6km d’ascension en compagnie de Françoise, ça finit de me remonter le moral ! Nous nous séparons, il lui faut faire demi-tour et rallier ensuite la base de vie avant que j’arrive. Le temps est assez gris, c’est un peu dommage, car nous ne pouvons apprécier le paysage dans toute sa splendeur. Je me délecte les yeux quand même. 200m plus haut que le refuge, me voilà au col de Nanaz (ou col di Nano). Petite descente pour embrayer ensuite sur le col des Fontaines par une légère pente aussi, sauf la fin un peu plus raide. Et surprise, qui je croise sur ce chemin ? J’espérais bien en voir, les voilà… les bouquetins des Alpes ! Tout un troupeau, pas trop affolé par notre présence, qui nous regarde comme des « bêtes curieuses ». J’ai eu de la chance car un coureur qui arrivera quelques minutes après moi ne les a pas vus. Le col des Fontaines est une formalité. Mais la vue qui suit plongeante sur le fond de vallée et Valtournenche, ne me réjouis guère à nouveau. 1350m de D- à avaler. Ca risque de faire mal. Et ça fait mal en effet, mais toujours supportable en y allant doucement. Je me fais doubler régulièrement car je n’avance pas vite, mais pas vite du tout. J’avance, c’est l’essentiel. Il me restera un tout petit moins de 100 km une fois en bas, une bagatelle. Tomber à 2 chiffres dans le décompte à rebours, y a de quoi se remotiver, la banderolle finale se rapproche sérieusement. Pas trop de triomphalisme me dis-je, car il peut s’en passer encore des choses qui peuvent mettre fin à l’aventure de manière prématurée. La base de vie est enfin là, je ne cours plus depuis le dernier sommet. Je regarde de partout, pas de Françoise. Ca ne m’étonne guère. Je récupère mon sac et commence à me ravitailler un peu. Petit coup de fil, elle arrive peu après, elle était dans le secteur déjà. Vu mon état, je profite pleinement des joies de la base de vie, à savoir…

 

 

A suivre…



14/11/2014
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