Tor des géants : 7ème et dernière étape Ollomont - Courmayeur
Tor des géants : 7ème et dernière étape Ollomont - Courmayeur
23h25 et c’est reparti pour le final. Toujours un peu anxieux quelque part qu’il nous arrive un gros problème, chute, entorse, etc… mais dans la tête c’est déjà le final qui se dessine. Le mental est à bloc, il ne peut plus nous faire défaut à présent. Il faut gérer la fatigue et les petites douleurs, un point c’est tout. Nous attaquons la grimpée du col Champillon, 1300m D+. A 2, c’est franchement moins monotone et ça permet de rester éveillé plus facilement. Point d’hallucinations du coup cette nuit pendant la grimpée. La fraîcheur est au rendez-vous par contre. Nous avançons à un rythme régulier et relativement bon, vu que nous en sommes au km 285 avec + de 21.000m de D+. Un chemin large dans l’ensemble nous amène à un poste de contrôle ravitaillement au bout de 5 km au refuge Letey. Bien au chaud à l’intérieur on se requinque un peu. Les bénévoles présents sont toujours aussi chaleureux malgré la fatigue qui les plombe eux aussi. Une bénévole s’assoupit sur le comptoir pendant notre court séjour. Nous ne nous attardons quand même pas trop, et repartons revivifiés. Le large chemin laisse assez vite place à une mono-sente jusqu’au col. Frisquet au col, nous enchaînons rapidement avec la descente. J’ai presque un peu de mal à suivre Jean-Louis à présent dans les descentes. Ses straps bleus sur les jambes ont l’air efficace et le soulagent un peu. La descente peu pentue et longue et n’en finit pas pour rejoindre le contrôle ravitaillement suivant à Ponteille Desot. Avec le clair de lune on distingue bien les vallées, mais incapable de dire où l’on doit aller. On tourne régulièrement tout en dominant des petits hameaux éclairés. Nous finirons par aboutir dans l’un 2 et trouvons le point de contrôle tenus par 4 bénévoles au demeurant accueillants mais se détachant dans leur manière du lot. Chaudement habillés, l’air un peu bourru, nous avons l’impression de tomber dans un repère de Serbes au moment de leur conflit avec les Croates. Ce n’est qu’une impression que nous partagerons à la sortie avec Jean-Louis, ce qui n’empêche pas que nous fûmes servis aux petits soins quand même. Ils ne parlaient qu’entre eux et peu, ne connaissant certainement pas le français, mais restaient attentifs à nos besoins pour nous servir. Encore une fois je regrette cette barrière de la langue car l’échange aurait pu être intéressant avec ces montagnards, le hameau étant à + de 1800m d’altitude. Nous repartons une nouvelle fois ragaillardis par cette petite pause. La fatigue nous retombe vite dessus avec le froid la nuit et surtout le chemin légèrement vallonné qui s’offre à nous à présent. Jai un peu de mal parfois à garder les yeux ouverts. Jean-Louis lutte aussi contre le sommeil. Par 2 fois je le vois traverser le chemin d’un coup devant moi. Juste le temps de le héler, il retrouve son équilibre et la bonne direction. Du coup il décide de trottiner même si c’est dur pour tenter de rester éveillé. Il part un peu devant, continuant à marcher pour ma part. Il prévoit de dormir un peu au prochain ravitaillement. Je courre aussi un peu, mais les genoux ont du mal à récupérer de la dernière descente. Et les muscles des jambes sont douloureux. Il ne faudrait qu’il n’y est plus que de l’ascension jusqu’à l’arrivée ! Je m’arrête pour uriner, Jean-Louis est un peu devant. Je profite de cet arrêt pour faire une micro sieste au bord du chemin. 2 autres coureurs passent à ce moment là. Je repars dans leur foulée, et les redoublerai un peu plus loin. La descente sur Saint Rhémy n’en finit plus. Alors que je croyais être arrivé, pas de ravitaillement en vue, et la descente continue. Personne devant, personne derrière, je longe une rivière. Je devine peu à peu la ville que nous devons atteindre. Nous surplombons la ville et son réseau routier assez dense à l’entrée. Peu de circulation à cette heure-ci. Le ravitaillement ne se fait pas dans le centre ville mais dans un coin à l’écart du grand axe de circulation. Françoise aura du mal à trouver l’emplacement, une nouvelle fois ce seront les lumières des coureurs qui la guideront au bon endroit. Au bas d’escaliers d’une petite rue, un marabout et ses bénévoles nous attendent. Je finis les pâtes qui restaient. Petit coup de fil à Françoise qui me rejoint peu après pendant que je mange. Les bénévoles m’avertissent que Jean-Louis est allé se reposer 10’ dans la salle derrière. Je le rejoins et m’installe dans un fauteuil en attendant. J’évite de fermer les yeux car je sais que je vais sombrer sinon. 5’ après Jean-Louis se lève et nous voilà prêt à repartir. Le jour est sur le point de se lever. Un petit bisou à mon coach et on reprend le chemin en suivant les indications des bénévoles pour sortir de la ville.
Un chemin large et grimpant légèrement nous amène dans un fond de vallée. Faisant jour et le soleil commençant à éclairer les sommets, nous retrouvons notre vivacité et notre langue. Ca discute dur quand Jean-Louis se pose subitement la question du balisage. En effet plus rien ! On a beau chercher rien de rien ! Demi-tour sur presque 1 km avant de retrouver le carrefour que nous avons manqué. Une mono sente partait sur la droite. Quand nous sommes passés là, notre regard était arrivé par un grand autopont que prenait l’autoroute sur notre gauche en contrebas. Nous tournions donc la tête au changement de direction. Pas de rubalises en travers du chemin non plus qui aurait pu attirer notre regard. Et plus assez de lucidité aussi pour se concentrer sur le balisage. Cette fois nous sommes à l’attaque de notre dernier col ! Le col de Malatra ! Tout un symbole ce col.1300m de D+ ! Le soleil nous a enfin rattrapés. Du coup lors d’un bref arrêt à une fontaine, j’en profite pour me déshabiller. Je me mets en short et tee-shirt. Mais voilà quelques instants après nous tournons derrière la montagne et nous nous retrouvons à l’ombre. Je suis à 2 doigts de me rhabiller car il fait franchement frais. A certains endroits il y a un peu de gelée blanche sur les herbes. Je me dis que le soleil va finir par tourner lui aussi, donc je patiente. Heureusement que nous montons cela me tient un minimum en chaleur pour résister à la fraîcheur. Il nous faudra attendre plus d’une heure avant de retrouver le soleil. Je résiste sans trop de problème, mais j’aurai apprécié une petite couche supplémentaire sur moi. La flemme de m’arrêter et ressortir ce qu’il fallait. Nous grimpons à un bon rythme, je n’ai pas envie de casser l’allure. Sur un grand chemin que nous rejoignons un peu avant le refuge du lac, nous rattrapons des marcheurs qui montent eux aussi vers le col. C’est un col à priori fréquenté, et je comprendrai pourquoi par la suite. Le soleil inonde à présent toute la montagne et je l’apprécie doublement car il me réchauffe. Un ciel bleu quasi parfait nous laisse augurer d’une belle journée pour finir notre aventure. Méfiance toutefois car en montagne le temps change très vite ! La beauté du site ne fait que rajouter du plaisir à notre joie de sentir la fin toute proche. Et d’un autre côté, je me dis que ça va se terminer, ce qui me laisse un peu de regrets. J’étais installé dans une routine qui me convenait bien, où le plaisir malgré la difficulté physique était bien présent. Nous arrivons au refuge en longeant un petit lac un peu en contrebas du refuge. Nous ne manquons de rien à nouveau. Nous prenons le temps de poser nos fesses sur des chaises et de manger tranquillement, tout en discutant un peu avec les bénévoles. Plus que 450m de D+ pour atteindre le sommet, le nirvana de la course ! Enfin presque…
Nous repartons bien décidé à franchir ce fameux col. Nous cherchons bien au se cache le col. Nous savons qu’il est dans une petite échancrure, mais toute la crête n’est faite que de ça. Peu à peu nous cernons le secteur jusqu’au moment où nous voyons enfin la sente qui nous y amène. La fin n’est pas triste ! Vu d’en bas, elle impressionne un peu. Nous sommes sur un replat qui permet de souffler un peu avant l’ascension finale. Cette montée qui nous paraissait si raide d’en bas, l’est beaucoup moins une fois sur place. Seule la dernière ligne droite en zigzag au milieu des rochers est un poil acrobatique. Une ligne de vie nous aide pour assurer notre équilibre. Mieux vaut ne pas chuter il est certain car les conséquences pourraient être graves. Un réel plaisir à tous niveaux que d’arriver là ! Dernier col de notre longue chevauchée, le col symbolique de cette course qui restera gravé dans nos mémoires, et par-dessus tout un paysage superbe avec une vue magnifique sur le Mont-Blanc pile dans l’échancrure quand nous y parvenons. Je ne m’en lasse pas. Nous prenons une série de photos souvenirs de cet instant. Plus que 2000m de D- et 300m D+ pour rallier Courmayeur. Sauf grave accident, on sait que nous y arriverons à présent, cela ne fait plus aucun doute. Nous savons que nos genoux vont grimacer à nouveau, mais qu’importe, notre joie est plus forte d’avoir su repousser ainsi nos limites. Je me dis que le corps humain ne doit pas avoir vraiment de limites car je ne me sens pas au bout du rouleau loin s’en faut. Et quand je réfléchis à certains exploits d’autres sportifs, autrement plus dur encore que le nôtre en ce moment, je pense sérieusement que le corps sait s’adapter à nos défis quand ceux-ci sont préparés sérieusement cela va de soi. Une fois au soleil côté descente, je m’arrête pour envoyer un SMS à tous ceux qui m’ont soutenu pendant la course. Je me bats avec mon téléphone car je ne suis pas un pro du SMS, et dans la bataille certains seront passés à la trappe suite à une fausse manip. Ca m’énerve un peu d’autant que Jean-Louis m’attend. Du coup je remballe tout et nous repartons pour le final, les jambes lourdes et le cœur léger en ce qui me concerne.
Nous croisons pas mal de randonneurs qui grimpent. Et pour cause, ce col vaut largement l’effort qu’il demande. 5 km de descente au milieu des cailloux au départ qui laisseront très vite la place aux prairies bien vertes. Le refuge Bonatti est déjà bien envahi par les randonneurs. Un coin est réservé pour la course avec ses bénévoles toujours plein d’attention à nos besoins. Encore une fois nous y restons plus longtemps que nécessaire, à manger et discuter. La vue sur les montagnes et le Grand Ferret ne va quasiment plus nous quitter jusqu’à l’arrivée. Un autre coureur se joint à nous quand nous repartons pour le dernier contrôle ravitaillement au refuge Bertonne. Peu après je trouve le moyen de m’étaler de tout mon long sur le chemin, mon pied ayant butté sur un caillou ou une souche. Plus de peur que de mal, le terrain étant plutôt terreux et herbeux que caillouteux. Quelques égratignures aux mains au final. Cela me rappelle de garder ma vigilance jusqu’au bout, un accident pouvant intervenir à tout moment. Les 300m de grimpette qui nous reste sont grimpés à vive allure, Jean-Louis a une pêche du diable. J’ai un peu de mal à suivre son allure. Une envie pressante me prend, je n’ose couper notre allure. J’attendrai en serrant les « miches » d’arriver au refuge pour aller aux toilettes pour la grosse vidange. Me voilà soulager d’un grand poids. Qu’est-ce que l’on se sent bien ensuite ! 2, 3 fruits secs à manger en ressortant et nous repartons de suite. Plus question de traîner au ravitaillement, l’arrivée nous appelle à grands cris. 5 kms ! Les 5 derniers… Et déjà la nostalgie me gagne un peu. Dans ma tête c’est déjà fini, le pari est réussi. Avec toutefois une pointe de regret car j’aurai mis un jour de plus que prévu. Mes genoux m’ont handicapé passablement, mais qui n’en a pas souffert je me le demande. Déjà je me projette pour une nouvelle tentative dans ma tête. Elle n’aura plus le même charme car je sais à présent que c’est à ma portée, le but sera de mieux me gérer surtout car je pense avoir un peu trop usé mes batteries sur la 1ère moitié du circuit. La descente est longue, nous avons du mal à trottiner avec Jean-Louis. 2, 3 coureurs nous doubleront, le dernier sur le km final. Qu’importe la place à présent, nous savourons cette fin. Arrivé sur le goudron, les spectateurs se font de plus en plus nombreux au fur et à mesure que l’on s’approche de la banderole d’arrivée. Françoise nous attend à 500m de l’arrivée. Petite séance photo souvenir avant le final. Nous courons tranquillement jusqu’à cette ligne d’arrivée, les applaudissements nous font presque croire que nous sommes des héros. Je ne m’en sens pas l’âme, mais conscient toutefois d’avoir réalisé quelque chose au-delà du normal. Le tapis rouge est déroulé, nous le foulons. La voilà cette banderole tant convoité depuis 5 jours. Le plaisir est là sur cette ligne, comme rarement j’ai eu. Heureux d’en finir car la fatigue pèse, heureux d’avoir vécu une belle aventure, heureux d’avoir pu finir avec un nouvel ami, heureux d’avoir pu partager avec Françoise ce plaisir. Une grande joie intérieure, profonde. Ce que je croyais possible, je l’ai fait. Une grande leçon à nouveau sur mes capacités, mes manques, sur mon mental. Que j’aimerai en vivre d’aussi fortes chaque année, chaque mois, chaque semaine ! Félicitation des organisateurs sur la ligne d’arrivée, signature des finishers sur l’affiche géante de la course. A présent le repos bien mérité, mais quid après ???
Jean-Louis va repartir le soir même à Carcassonne car il est de mariage le lendemain! Ce n’est vraiment pas de bol. Avec la fatigue accumulée, nous nous faisons pas mal de soucis pour lui et lui recommandons la prudence. Nous n’allons pas nous quitter ainsi. Une fois qu’il eut récupéré son sac jaune, nous allons fêter tranquillement notre réussite autour d’une bière, pas fâché de poser notre derrière sur une chaise sans avoir à se dire « Bon, il va falloir penser à repartir ! ».
SMS de Jean-Louis le lendemain pour nous dire que le retour s’est bien passé. Notre inquiétude disparaît aussitôt, bien content pour lui d’avoir pu encore relever ce dernier défi, car il comportait des risques. De notre côté, retour au camping pour la douche. Avec le repos et le refroidissement des muscles, ces derniers sont assez raides. Nous terminerons la soirée au resto proche du camping. J’ai envie de manger un bon repas, cela étonne t’il quelqu’un ? Surprise agréable, le patron de l’hôtel restaurant et un des sponsors locaux, et aurait dû participer à la course mais n’a pas réussi à s’inscrire à temps. Du coup nous discutons pas mal avec lui. Et nous suivons leurs conseils pour choisir notre menu. Nous ne serons pas déçu, ayant très bien mangé. Une belle soirée bien sympathique pour terminer cette course inoubliable. Il ne manquait que Jean-Louis.
La nuit au camping se passera sans problème, je dors enfin mon saoul. Et ce n’est pas le plus désagréable… un vrai plaisir là aussi ! Demain dimanche c’est le bouquet final avec la remise des récompenses.
A suivre… pour le bilan final !
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