DIAGONALE DES FOUS 2012 : Episode 7 Maïdo, l’heure de vérité !
DIAGONALE DES FOUS 2012 : Episode 7 Maïdo, l’heure de vérité !
1920m de D+ à grimper ! Voilà ce qui nous attend pour ressortir du cirque de Mafate. Deux ans en arrière, cela m’aurait effrayé un peu voire beaucoup, surtout avec 110 km dans les jambes. Et précision importante, les bâtons sont interdits (trop de risque d’accidents avec les bâtons qui se coincent entre les rochers et racines). Donc tout à la force des jambes. Au moment d’aborder cette phase cruciale, je reste serein, presque heureux car j’aime quand ça grimpe. Et le fait de l’avoir reconnu en rando la semaine précédente aura l’avantage de ne pas me faire languir le sommet, ayant pas mal de point de repère cette fois en mémoire. Je l’attaque calmement, jouant toujours sur l’économie de l’effort à chaque pas. Une première phase pour arriver à Roche Plate (860m de D+), plate vu d’en haut, mais pas du tout quand on est là en bas. Entrecoupée d’une petite descente et se terminant par un peu de plat (enfin presque), elle puisera dans nos organismes au point que plusieurs participants se verront contraints de s’allonger dans leur couverture de survie sur les talus. De grosses papillotes jaunes ornent ainsi le paysage. Mais je n’en entendrais pas un seul ronfler ! Pour moi la question ne se pose toujours pas, tant que je suis dans l’action, les jambes qui répondent toujours bien, je me sens capable de continuer. Le gros coup de barre va t’il tomber subitement ? Un coureur pas loin devant moi, restera toujours à distance. C’est une course, et bien entendu même si je n’ai pas très l’esprit compétition, j’aimerai bien le doubler. Je teste un peu mon aptitude en accélérant légèrement. Très vite je me rends compte que je risque de le payer cher par la suite. Je retourne illico presto à mon rythme de croisière qui me va bien. Encore 60 km, il peut s’en passer des choses. Donc prudence avant tout. A l’approche du village, les maisons (la plupart sont des gîtes) respirent le calme dans la nuit noire. Un fond d’ambiance musicale discrète au loin me rassure sur la présence du contrôle ravitaillement. Il sera le bienvenu car l’entre jambes commence à me cuire à nouveau… et la faim n’est plus très loin à nouveau. Installée dans la cour de l’école (où une semaine avant c’était la fête des vieux), je commence par me ravitailler pour retrouver un peu d’énergie, mais surtout pas m’asseoir.
Remplissage de la poche à eau, et petit tour à l’infirmerie où il faut grimper une dizaine d’escaliers. Dans la salle servant d’infirmerie, tous les lits installés sont occupés déjà. En voilà un qui ronfle dur. Une bonne dose à nouveau de pommade. Comme chaque fois, les infirmiers et docteurs se rendent compte que leur stock de crème va être largement insuffisant, n’étant pas le premier à souffrir d’échauffement. Et vu le nombre de concurrents à passer encore, cela va vite empirer ! Vais-je atteindre le Maïdo avant le lever du jour ? Dans mon planning initial sur 40h, j’avais prévu d’atteindre au lever du jour Ilet Savanna, c’est à dire le franchissement de la rivière des galets à la sortie du cirque de Mafate. Cet objectif là n’est plus réalisable, mais comme tout se passe bien jusqu’à présent, je ne m’en soucie pas du tout. Derrière moi, d’autres coureurs arrivent assez rapidement. Si bien que la cour de l’école est relativement animée avec le va et vient des bénévoles et des coureurs. Petit coup de fil de Françoise qui vient aux nouvelles suite au SMS reçu, je la rassure sur mon état, et physique et moral. Ce dernier ne fléchit pas, bien au contraire. Je lui donne rendez-vous comme prévu à Ilet Savanna. Je demande l’heure au poste de contrôle juste avant de repartir, il me reste 2h avant le lever du jour. Je devrais voir le lever du jour au sommet ! Ce qui n’est pas pour me déplaire. Je repars doucement pour un peu plus de 1000m de D+, l’entre jambes me gênant. Grâce à la pommade, cela se calme assez vite, au moins le temps j’espère d’arriver au prochain poste de secours. Une petite grimpée relativement cool m’amène à la Brèche, lieu magique pour la beauté de la vue… de jour ! Dans cette nuit noire, je reste sur ma faim. Petite descente et voilà le gros morceau, mais synonyme une fois au sommet que plus rien ne m’empêchera d’arriver au bout, hormis l’accident. Des marches, toujours des marches… encore des marches ! Combien en aurons nous gravies et descendues, impossible à compter ! Re belote, des papillotes ont poussé dans les talus cette nuit. A l’attaque de la grimpée, on sait où l’on doit arriver. Il n’y a qu’à lever la tête à la verticale pour apercevoir la crête qui domine le cirque. Un mur, où l’on se demande une fois de plus où l’on peut bien passer pour franchir cette falaise. Un premier repère sur un gros rocher indique « 25% / 75% ». ¼ de fait ! De quoi démoraliser celui qui n’en peut plus. La pente est raide, les marches de plus en plus dures à avaler. Je m’évertue à employer ma technique d’économie. Si je ne le faisais pas, je ne sais pas si j’arriverai encore à avancer d’ailleurs. Des lumières pas loin devant me motivent à garder l’allure. J’en reprendrai encore quelques uns, mais à nouveau une lumière restera à portée de vue sans pouvoir l’atteindre. Ce qui à l’avantage de me motiver pour garder mon allure. Le passage du « 50% / 50% » est enfin là ! Une grosse moitié de faite sachant que sur le dernier quart, des parties sont plus roulantes. Les jambes répondent toujours bien à ma grande surprise. Toujours pas de fatigue excessive, mon pari de 2 nuits blanches est en bonne voie de se réaliser. Une belle expérience, que je ne tenterai pas en vélo par contre. Ayant déjà pas mal passé de nuits blanches sur ce dernier, je me sais tout à fait incapable d’en passer 2 d’affilée. En course à pied, nous sommes actifs à chaque seconde, toujours à l’affût pour éviter l’accrochage des pieds sur un caillou, une racine. En vélo nous avons des temps morts où la fatigue prend très vite le dessus. Le risque de chute devient très vite important. Une nuit c’est déjà dure, mais 2 c’est inconcevable pour moi sans prendre des risques énormes que je ne prendrai jamais personnellement. Un peu trop pris à fixer le sol, je ne verrai pas l’indication des 2/3 sur un rocher, bien que je l’épie. Du coup la vue du « 75 % / 25% » me ravit. La crête n’est plus très loin, le Maïdo est bientôt vaincu. La nuit est toujours là, pas de lueur encore à l’horizon. Peu à peu, je commence à entendre des voix. Ce sont des accompagnateurs qui descendent à la rencontre de leur poulain. Mais ces voix laissent la place à d’autres qui deviennent à leur tour de plus en plus claires. Le signe avant coureur du sommet ! Celui qui me précède d’une centaine de mètres déclenche les applaudissements à son arrivée. Ca y est le Maïdo est vaincu ! Un moment sublime de bonheur.
Vite l’infirmerie à présent. Pointage, lits de camp tous occupés, et c’est tout ! Le ravitaillement est un peu plus loin, il faut se laisser glisser jusqu’à lui à 3 km. Faut que je mange en urgence à nouveau. L’échauffement devient à nouveau très sensible. Renseignement pris, 1h50 pour grimper depuis Roche plate, 6,6 km pour 1060m de d+, soit quasiment un 600m à l’heure de D+ après déjà avoir parcouru 115 km et 7500m de D+. Content de moi, je repars toujours dans la nuit noire jusqu’au ravitaillement et poste de secours. Je les trouve un peu long ces 3 km, mais tout finit par arriver. Les premières lueurs de l’aube aussi. Le ravitaillement est le bienvenu.
J'arrive encore à manger de tout, ce qui est excellent et pour le moral signe que tout va bien, et pour emmagasiner encore de l'énergie. Plus que 48.8 km jusqu'à la redoute nous indique le panneau !
Petit tour habituel à présent au poste de secours, les lits ici aussi sont bien occupés. Avant de repartir pour une longue descente que je vais découvrir, j'assiste au lever du jour. Petit instant magique partagé avec des bénévoles et accompagnateurs, l'appareil photo en main. Mais je ne m'attarde pas, la fraîcheur se faisant sentir. Je suis toujours en tee-shirt et j'y resterai.
A présent un seul souci en tête : éviter l'accident ! La pose du pied va monopoliser toute mon attention. Musculairement, je sens que je peux aller au bout. Et avec le jour, le sommeil ne devrait pas jouer les trouble-fêtes. Au pointage au sommet du Maïdo, on m'annonce que je suis dans les 120 premiers (en réalité 158ème... peut-être ai-je mal compris ce que l'on m'a dit). Je voulais terminer si tout se passait bien dans les 200 premiers, l'objectif est déjà atteint, il n'y a plus qu'à assurer. Je me dis même que je peux peut-être approcher les 100 premiers. Je garde toutefois mon principe : faire ma course en fonction de mes sensations. Si le classement doit s'améliorer, ce sera par une baisse de régime de ceux qui me précédent, mais je ne vais pas chercher à accélérer surtout. Ma brève tentative m'a vite fait comprendre que je risquais d'exploser à mon tour. Et puis surtout, à présent que le jour se lève, j'ai envie de profiter. Profiter de ses instants magiques où tout me réussit. Une fois la ligne franchie, il sera trop tard. 48 km de bonheur qui m'attendent encore, je ne dois pas les louper ! Je veux les graver à jamais dans ma mémoire...
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