Coco le cyclo...

Coco le cyclo...

A la découverte d'un autre "monde"...

Au courant de l'hiver 1982, je feuilletais la revue " Cyclotourisme " à la rubrique " Où irons-nous ? ", à la Pentecôte. Il s'agissait du " Lou Cantou ", ballade de 540 km à travers l'Ardèche, la Haute-Loire, le Cantal et la Lozère. Je me décidais à écrire dans le but d'avoir une information plus complète.

Je ne me doutais pas encore de ce que cette randonnée allait m'apporter...

En fait, c'est toute une histoire que je vous raconterai dans le détail dès que l'occasion se présentera, c'est promis.

Bref, le plus important est de savoir que je me suis fait beaucoup d'amis, dont Claude, l'organisateur et Françoise qui ne savait pas encore qu'elle allait devenir la femme de ce monsieur.

Depuis, nous gardons des relations épistolaires lorsque nous ne nous retrouvons pas à bicyclette comme en 1985 dans une randonnée intitulée " A travers les cols du Diois et des Baronnies ". Cette fois, Fabien était du voyage.

Mais le moment est venu de vous parler de Dominique, un pote, aveugle. Nous nous connaissons depuis trois ans, et, nous rencontrant plusieurs fois par semaine, je lui parlais très souvent de mes ballades cyclos y ajoutant tous les superlatifs que je connaissais.

La Pentecôte se rapprochant, je lui parlais toujours plus de mes projets avec Claude et Françoise, et Fabien qui devait m'accompagner. Cette année, Claude avait décidé d'organiser un circuit dans le massif du Vercors. Bonne idée ! Nous ne connaissions pas. Mais, tout doucement, une idée fit son chemin. Et si Dominique pouvait être de la partie et découvrir enfin le vélo ! Je fis part de mon idée à Claude qui est un fervent pratiquant du tandem. Répondant à mon attente, il fut enthousiasmé à cette idée et, quelques jours plus tard...

Mais, laissons-lui la parole...

J. Schultheiss

 

A la découverte d'un autre " monde "

Le col s'annonçait bien : un chemin large, bien carrossable malgré des gravillons parfois un peu gros, des rigoles creusées par les pluies anormales du mois dernier. Au moment de l'attaquer, un virage de 140° est à négocier. Malgré la prise du virage la plus large possible, c'est l'échec dû au gravier. Il faut redresser la direction et s'élancer à nouveau. Nous quittons la chaude ambiance du col de Romeyère où nous avons pique-niqué tous ensemble pour prendre la direction du Mont-Noir. Le paysage devient peu à peu plus sauvage, l'isolement nous gagne. Plus de goudron, plus de maison, pas une personne... mais des fleurs, de la forêt, et un concert de sifflements et cris orchestrés par un coucou semblant nous accompagner. La sueur commence à couler, les muscles se raidissent, la respiration devient un peu plus forte. Une bonne expérience du muletier me permet d'éviter l'arrêt sur certains petits obstacles. Le plaisir augmente avec les difficultés à maîtriser...

... Des gouttes perlent de plus en plus rapidement pour former presque un filet d'eau continu le long de mes tempes. La route goudronnée que nous venons de retrouver n'est pas pour me déplaire. Car mes fesses, peu habituées à un tel traitement, se font douloureuses. Le chemin de tout à l'heure fut pour elles une rude épreuve. Ce nouveau col (le 3ème de ma carrière !) me coupera moins le souffle que la sécheresse qui s'installe dans ma gorge. Et pour cause, une conversation quasi ininterrompue me lie avec mon compagnon de route.

Des arrêts relativement fréquents nous sont nécessaires pour ravitailler nos muqueuses. Seules les descentes, enivrantes, laisseront quelques trous dans un dialogue sans fin. Ces dernières me laisseront des sensations inconnues jusqu'alors...

L'étape de la veille nous aura marqué tous les deux. Un soleil radieux nous accompagne toujours, ce deuxième jour de notre randonnée. Certaines couleurs et douleurs nous le rappellent. Pour Dominique un seul but : s'enivrer au maximum de toutes ces sensations découvertes hier. La douleur n'existe plus, le plaisir ressenti est trop important pour accorder un quelconque intérêt à ce trouble fête. Claude, quant à lui, se plait à découvrir un nouveau compagnon, et surtout, à lui faire découvrir tous les plaisirs du cyclotourisme : la joie de l'effort, la griserie de la descente, les petites routes et plus encore, les muletiers... même parfois à pied, au contact d'une nature resplendissante, aux innombrables odeurs et bruits les plus divers.

Un tandem, 2 hommes : le conducteur, fort d'une expérience de plus de 100 000 km à ce jour en vélo ; le passager, son baptême de la route. Deux cyclos éloignés par 600 km, mais que le hasard a permis de se retrouver pour la première fois sur un vélo. Deux êtres qui cherchent le dialogue, l'un pour sortir du retranchement injuste que la vie lui a laissé comme fardeau, l'autre, car il sait, qu'aimant faire du tandem, il peut offrir à des non-voyants le plaisir de sa passion et découvrir des êtres comme lui, mais vivant dans un autre " monde ".

Deux êtres, à la découverte d'un autre " monde ". Deux êtres que tout séparait jusqu'alors : la distance, leur passion, leur " monde ". Un seul trait d'union : Jacques, leur ami.

Et les voici, du jour au lendemain, liés par le même effort, soumis aux mêmes caprices de la nature, en proie à la même passion ; passion entretenue par Claude, toute nouvelle pour Dominique.

Un nouveau " monde " pour Dominique. Celui de l'effort, celui des sensations grisantes, de déplacements en toute sécurité dans un décor inconnu, de contact humain et de convivialité du monde cyclo. Pour Claude, celui de partage d'une passion, de découverte du " monde " des non- voyants avec leurs problèmes propres, inconnus pour lui et d'un nouvel ami, de qui il a beaucoup à apprendre.

Le troisième et dernier jour de ce week-end de Pentecôte, passé à découvrir le Vercors du Nord au Sud et d'Est en Ouest, verra le tandem et tout le groupe de cyclos les accompagnant, regagner leur base de départ : Granges- les-Valence, avec presque déjà le souvenir d'une randonnée pas tout à fait comme les autres.

La présence de Dominique nous aura tous marqués agréablement. Mais s'il en est un qui fut particulièrement ravi de ce week-end, ce fut ce dernier. Grâce à ce groupe de cyclos, il a pu découvrir le cyclotourisme et ses acteurs. Il a su s'intégrer sans aucun problème dans ce contexte inconnu pour lui sur le terrain, mais que son ami Jacques lui avait décrit auparavant.

Un week-end positif dans tous les sens du terme... Avec toutefois une pointe d'amertume pour moi, le sentiment d'une certaine impuissance à décrire le paysage tel qu'on le vit par les yeux. Les mots sont toujours trop faibles et pas assez précis.

Une formidable leçon de volonté aussi : 3 jours sur un tandem, sans aucun entraînement... et en résultat 250 km, 15 cols dont le premier en muletier ! De l'inconscience ? Non, mais la volonté de réussir, et une joie de vivre débordante...

                                                                               

 

A suivre avec la vision de Dominique, aveugle : "Un certain regard"



11/02/2009
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