Coco le cyclo...

Coco le cyclo...

24h pas comme les autres !

24h pas comme les autres !

 

24h à tourner en rond sur un circuit d'un km ! « Qu'est ce que ça doit être monotone ! » m'entends-je dire par la quasi totalité de mon entourage. Que leur répondre ? Ma 1ère expérience n'a pas été concluante en la matière et je n'ai pas trop d'arguments, si ce n'est de dire que ça a l'avantage que l'on est jamais seul finalement, toujours de l'animation avec le speaker et le stand ravitaillement. Bref je me demandais quand même en moi-même si je n'allais pas succomber à cette monotonie qui paraît évidente à première vue.

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Me voilà ce samedi 05 octobre 2013 sur la ligne de départ avec mon ami Jean-Luc. Ce dernier est un habitué des 24h, il en a fait plusieurs dont celui-ci l'an passé. 170 circadiens à attendre le coup de sifflet libérateur. Et pur hasard des choses en ce qui me concerne, cette course sert de support pour les championnats de France des 24h pour 2013. Donc du beau monde sur la ligne de départ.

Nous sommes entourés par les stands des coureurs et leurs accompagnateurs. La pluie aussi malheureusement nous accompagne, mais pas trop virulente pour l'instant.

Depuis 3 semaines je n'arrête pas de cogiter dans ma tête pour savoir quelle allure prendre, si j'alterne marche et course. Depuis la veille, c'est fait j'ai arrêté mon plan. Courir tant que je peux, en partant pas trop vite, à 9 km/h. Tous les 2 tours je bois un coup, 2 tours suivants je mange un peu. Et ainsi de suite en boucle, jusqu'au moment où l'état du bonhomme nécessitera peut-être plus d'arrêts ou au contraire moins car il ne pourra plus boire et manger. J'aviserai sur place ensuite.

Je prends le départ sans stress, mon seul but étant de me gérer au mieux pour finir la course. La durée n'est pas un problème je sais, par contre l'état des jambes pourrait en être un. Car courir toujours avec le même mouvement (circuit plat), toujours à la même cadence, sur un sol dur, et pendant aussi longtemps, je ne sais vraiment pas ce que cela va donner.

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A 10h, la meute est enfin lâchée sous les applaudissements de tous les bénévoles, accompagnateurs, et spectateurs. Pas question de prendre le rythme des premiers même si pour une fois je pourrais enfin les suivre (contrairement aux trails). 9Km/h, je vais essayer de voir combien de temps je vais pouvoir les tenir. Après quoi je ferai au mieux, c'est à dire au moins pire !

Durant ces premières heures j'arriverai à tenir mon rythme sans souci. Une fois calé dans le rythme au bout de quelques tours, il n'est pas trop compliqué d'y rester. D'autant plus qu'un grand panneau lumineux nous indique à chaque tour, le km effectué, le temps du dernier tour, et notre classement. Ce qui vous occupe l'esprit quelques temps après le passage devant ce panneau, où l'on cogite si l'on est toujours dans le timing, si l'on progresse ou régresse au classement, le km restant à faire suivant ses précisions, etc...

La pluie par contre, à trois reprises assez violentes, vient nous perturber un peu. Alors que l'on commence à patauger dur sur certains endroits, je décide au prochain passage devant les stands de prendre mes chaussettes imperméables. Mais le temps d'y arriver et la pluie cesse quasiment. Du coup je décide d'attendre encore un peu. Les bénévoles à renfort de grands coups de raclette, essayent d'enlever les plus grosses flaques, ce que nous apprécions. Finalement je ne changerai jamais de chaussettes. Le ciel s'éclaircit peu à peu, nous devrions être à nouveau tranquille.

Au bout de 6h de course, j'ai gardé ma moyenne de 9km/h. Ce qui me satisfait déjà bien. Mais cela ne représente qu' ¼ de la course. Et je commence à rentrer un peu dans le dur. Les jambes deviennent lourdes, l'allure commence à baisser. Mon but à présent est de tenir le plus longtemps en courant sans passer par la case marche. Vais-je tenir 10h, voir plus ?

Jean-Luc de son côté connaît aussi quelques difficultés. Depuis un moment j'ai commencé à repérer les cracks. Facile faut dire car ils ont les numéros de 1 à 20 grosso modo, à part le 128 qui m'a l'air le plus rapide de tous. Les meilleurs ont une allure qui vous démoralise au bout de quelques heures de course. Alors que vous commencez à ne plus pouvoir mettre un pied devant l'autre, eux continuent à leur allure toujours imperturbable. Et ils vous doublent de plus en plus souvent ! Vous essayez de ne pas prendre froid quand ils vous doublent, et vous vous reconcentrez vite sur votre course pour savoir comment vous allez faire pour tenir encore 14h ! Déjà 10h de course, je décide de m'allouer une pause de 5' au stand. Je m’assois et étend les jambes, elles commencent vraiment à dérouiller. Depuis 4h je constate malheureusement que mon allure baisse. De 9km/h au tour, je ne suis plus qu'à 6,5 km/h à présent. Et j'ai le sentiment que je vais dégringoler encore. Mais j'arrive toujours à courir, et donc je continue. Mon arrêt de 5' ne m'a finalement rien apporter, je ne coure pas plus vite en repartant. Et repartir devient douloureux. Il faut remettre les muscles en chauffe. Du coup je me dis que si rien ne vient entraver ma course, je ne ferais aucun un autre arrêt à part les pauses techniques, pipi et casse croûte. A 11h ¼ de course, c'est le tournant. Je décide d'alterner marche et course pour essayer de m'économiser pour la fin. Je m'étais fixé peu avant l'objectif de tenir 12h, mais la fatigue est trop avancée. C'est donc environ 400m de marche et 600m de course que je décide de faire à chaque tour. Et bon an mal an, je vais tenir le rythme de 5,6 à 6 km/h pendant les 11h qui vont suivre. A ma grande surprise, pas de lassitude qui s'installe. Entre ceux que je double, ceux qui me doublent (toujours les mêmes), les stands des coureurs, le panneau lumineux, le stand ravitaillement, les spectateurs, les bénévoles disséminés le long du parcours, réfléchir si je dois manger ou boire au prochain tour, calculer quel kilométrage je peux escompter en fin de course, penser à autre chose qu'au mal de jambes, discuter un peu avec Pierre ou Paul que l'on accompagne quelques instants, vous n'avez pas vraiment de temps mort.

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Une fois la nuit installée, vous surveillez un peu plus vos pas histoire de ne pas se prendre une gamelle car vous avez de plus en plus de mal à lever les pieds, et quelques mini obstacles pourraient devenir dangereux. Pas de pluie, un peu de fraîcheur qui obligera les plus lents à prendre une épaisseur de plus, les plus rapides eux restant en tee-shirt leur vitesse les réchauffant assez.

Françoise nous a rejoint après sa journée passée à Chambéry au forum du voyage à vélo « Vél'osons ». Je la retrouve accompagnée de Bruno et Marianne, des amis cyclos habitant Grenoble et venant eux aussi du forum. Ils viennent nous encourager avant d'aller passer leur nuit... dans leur lit (Quelle idée!). Cela fait du bien de voir des têtes connues et de discuter un peu.

En pleine nuit les rangs se sont éclaircis. Petites pauses ou longues pauses dans le gymnase jouxtant le circuit ? Je ne sais pas, mais je présume que les masseurs doivent avoir du pain sur la planche certainement. Aux 2/3 de la course, je commence à me demander si je vais pouvoir au moins accrocher les 160 km. J'ai des doutes vu l'allure présente et le niveau de fatigue de mes jambes. Je calcule bien, et je finis par en déduire que si j'arrive à maintenir mon allure présente, cela est jouable. Mais voilà vais-je pouvoir tenir pendant 8 h encore ? Je me dis que je n'ai pas le choix : ou je tente le coup et ça va me servir de motivation, ou je laisse venir et l'allure va continuer à dégringoler. Je suis venu pour voir, donc il faut que je tente de tenir le coup. Histoire aussi de mieux apprendre à connaître ses propres capacités. Et laisser venir sans objectif veut dire aussi une fin encore plus dure mentalement car rien à quoi se raccrocher. Allez c'est parti : 10'30 au tour, plus les petits arrêts techniques. Le moral est au beau fixe depuis le départ car si les km ne s'allongent pas vite à présent, je continue régulièrement à gagner des places au classement. Mon rythme n'est donc pas si mauvais. Et le fait de ne pas faire de pause repos y est certainement pour beaucoup. A aucun moment je ne sentirai le besoin de refaire une pause repos. Au contraire à chaque arrêt technique, ne me prenant parfois que quelques secondes pour boire un verre au stand ravitaillement, le redémarrage devient de plus en plus dur. Je n'ai donc aucune envie de m'arrêter. Mes calculs s'avèrent bons, et au fil des tours, je m'aperçois que je gagne peu à peu une marge supplémentaire sur cet objectif de 160 km. Le moral est au beau fixe, ce qui compense la fatigue des jambes qui ne fait qu'empirer. Il faut dire qu'il pourrait difficilement en être autrement. Hormis les 2 premiers qui se distinguent nettement à présent, et tournent toujours à une allure incroyable, la plupart des autres coureurs s'éteignent comme moi, ce qui me rassure. Un V3 est lui aussi surprenant : il tient une allure qui me laisse pantois. J'apprendrai plus tard que c'est le recordman du monde en la matière, et que ce jour il battra encore son propre record du monde en catégorie V3. Un grand coup de chapeau ! Il finira très très loin devant moi avec plus de 230 km au compteur ! A peine croyable.

Plus que 4h à tenir ! C'est de plus en plus dur de reprendre la course à chaque tour. Mais je fais tout pour m'y tenir. Je doute de pouvoir courir encore longtemps. Du coup l'objectif des 160 km deviendrait très difficile à tenir. Dans la nuit, durant une heure, un orchestre est venu jouer des musiques entraînantes pour nous encourager. Merci à eux, cette distraction et ces encouragements nous ont fait du bien. Par contre des jeunes rentrant de boîte de nuit certainement sont venus faire les clowns aussi au bord du circuit, quand ils ne venaient pas faire les andouilles sur le circuit. Les bénévoles se sont chargés de les éloigner tranquillement. Merci car certains coureurs avec la fatigue commençaient à s'échauffer et s'énerver, et cela aurait pu mal finir. Jean-Luc subira un gros coup de mou dans la nuit, et avec Françoise nous avons essayé de lui remonter le moral tout en lui conseillant de se reposer un peu. Il préférera repartir en marchant, ce qui n'était pas plus mal au final.

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Au lever du jour, j'ai le moral car je sais qu'à présent même en marchant je devrais pouvoir atteindre les 160 km. Je décide donc de continuer au même rythme jusqu'à ce que je franchisse cet objectif. Après quoi suivant l'état du bonhomme, j'aviserai. A une heure de la fin, les minutes deviennent très longues. Il me reste 1 km pour atteindre mon objectif. Même en rampant s'il le fallait j'y arriverai. A 161 km, c'est décidé je marche uniquement ! J'aurai pu me fixer un objectif à 165 km, mais non j'ai mon compte. Pas question pour autant de s'arrêter et d'attendre la fin, je continue en marchant du meilleur rythme que je peux. Jean-Luc me reprendra au moins 3 tours sur les 2 dernières heures, mais je n'ai plus le courage de le suivre, ni les forces surtout. J'ai tout donné, ou quasiment à 99,9 %. Sur les 3 derniers tours je verrais mon classement diminué car subitement beaucoup de monde se met à recourir et à bonne cadence. Cela m'importe peu, j'ai réussi ma course dans mon esprit et je suis heureux. Je m'apercevrais que j'aurais pu atteindre 165 km si j'avais encore essayé d'insister un peu à courir, mais tant pis le plaisir est là d'avoir réussi. Au dernier tour, un coup de klaxon nous avertit qu'il reste une minute à courir. Tout le monde se met à accélérer ! Moi pas, je peux pas. Jean-Luc me rattrape, j'essaye de le suivre, 5 pas et je n'insiste pas, sinon je m'écroule. Au coup de klaxon final, on pose à terre le témoin que l'on nous a donné portant notre numéro et nous devons déposer notre puce ainsi que notre dossard. Françoise m'attend avec une chaise comme je lui avais demandé. Je m'affale dessus, je suis vidé complet ! Elle porte à Jean-Luc 50m plus loin une chaise aussi. Lessivé ! Le bonhomme n'est pas à bout de forces, mais mes jambes elles sont hors circuit. Je ne ressens pas de fatigue générale, je suis bien au contraire. Mais des muscles aux cuisses qui n'ont pas l'habitude de travailler autant sont hyper sensibles et douloureux. Je peux à peine les effleurer. 2 boules sur la cuisse droite extérieure se sont formées sur ces muscles. La 1ère fois que je vois ça ! Côté cuisse gauche, c'est à l'intérieur que c'est hyper sensible. Mes jambes me paralysent. Je ne peux plus me lever de ma chaise. Jean-Luc a réussi à me rejoindre. Nous restons là au bord de la piste un bon moment. Avec Françoise, ils iront chercher la voiture sur le parking pour venir me récupérer, incapable de faire un pas. Et d'aller prendre une douche. Nous décidons de repartir de suite et rentrer à Valence, ce qui nous permettra de récupérer un peu.

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Il m'aura fallu tout de même plus de 30 h avant de pouvoir récupérer un peu d'autonomie à la marche. Et ensuite très vite je retrouverai tous mes moyens.

Recommencerais-je un jour ? Je ne sais pas, mais ce qui est sûr, je préfère les trails ! Absolument pas déçu de cette tentative par contre, c'est au autre genre de course, très différente, mais qui au fond demande la même force mentale pour mener à bien sa réalisation.

Côté boisson et nourriture, j'ai fait un exploit : j'estime à 15 L de boisson ce que j'ai pu boire. Au départ je buvais ma boisson maison, puis une fois épuisé mon stock, je me suis arrêté au ravitaillement officiel. 1 seule fois du coca, puis j'ai alterné très vite à chaque tour du jus d'orange et de l'eau gazeuse, 1/2 verre seulement. Et côté nourriture, les premières heures des smoothies de fruits et persil, du chocolat noir, du raison, des abricots secs, des bananes, des barres de céréales. Puis à mi-course, je me suis contenté du ravitaillement officiel en alternant bananes et jambon blanc (sans pain) car je n'arrêtai pas de faire des gaz. Mes smoothies en étaient la cause je pense. Si bien qu'après cela s'est calmé (pour le grand bonheur de ceux qui me suivaient !). Pas d'écoeurement, tout passait, mais pas grand chose d'autre me faisait envie.  A ma grande surprise, pas eu de mal aux pieds, ni aux genoux, aucune douleur articulaire. Comme quoi moi qui dans les trails appréhendent toujours les parties roulantes sur goudron, je n'ai aucune raison. Vais-je mieux les passer à présent ? J'espère...

 

Tableau horaire :

HEURE CLASSEMENT        MOYENNE
CUMULE HORAIRE
1 124 9,3 9,3
2 122 9,21 9,14
3 119 9,13 8,99
4 107 9,1 8,99
5 97 9,09 9,06
6 91 9,04 8,8
7 83 8,94 8,31
8 81 8,79 7,71
9 77 8,6 7,12
10 77 8,38 6,42
11 79 8,16 5,73
12 75 7,94 5,79
13 74 7,78 6
14 68 7,67 5,99
15 66 7,57 6,17
16 64 7,43 5,67
17 62 7,35 5,85
18 62 7,26 5,91
19 59 7,19 5,77
20 58 7,12 5,86
21 57 7,05 5,63
22 56 6,99 5,78
23 57 6,93 5,59
24 61 6,86 5,32


14/10/2013
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